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[fr.] Résumés de thèse : Géographies d'une "destruction" des forêts dans un territoire d'herbages. Récits de crise et résilience forestière dans les campos uruguayens du XVIIIe au XXe siècle. Télécharger le texte complet. Télécharger les annexes. Télécharger la carte hors texte. Jury : Sous la direction de Eric Glon (géographe, Lille 1) et Laurent Simon (géographe, Paris 1). Rapporteurs : Georges Rossi (géographe, Bordeaux III) et Martine Droulers (géographe, Paris III-IHEAL). Examinateurs : Juan-Carlos Garavaglia (historien, Directeur de recherche à l'EHESS) et Michel Etienne (écologue, Directeur de Recherche à l'INRA). Président : Jean-Jacques Dubois (géographe, Professeur émérite à Lille 1). Résumé court : Ce travail de recherche élabore et propose une méthode géographique d'évaluation des "récits de crise" environnementaux, en prenant pour cadre de réflexion le territoire de l'Uruguay (Amérique du Sud). On range sous ce terme l'ensemble des discours émis à propos de l'environnement, et qui définissent l'état de celui-ci comme insatisfaisant, en dysfonctionnement par rapport à un état "normal". Ces récits de crise étant au fondement théorique et pratique des représentations et actions touchant actuellement l'environnement, il convient de comprendre leur genèse historique et leurs logiques de fonctionnement. Nous centrons notre analyse sur les moyens de vérifier, pour une période de trois siècles, l'adéquation des récits dénonçant la "destruction" des forêts de l'Uruguay, aux processus à l'oeuvre sur le terrain. Après avoir identifié les récits apparaissant entre le XVIIIe et le XIXe siècles, et démontré les enjeux territoriaux qui les sous-tendent, nous montrons, grâce à la mobilisation conjointe de méthodes historiques (traitement d'archives), naturalistes (relevés écologiques), et biogéographiques (analyse des dynamiques spatiales et temporelles), que ces discours ne sont que très peu en adéquation avec les processus observables. Enfin, nous proposons des explications visant à comprendre comment, en Uruguay, des forêts de petite taille ont pu se maintenir durant trois cents ans : nous relativisons ainsi l'ampleur des crises dénoncées par une vision territoriale et paysagère de l'évolution forestière, centrée sur les acteurs. Cette réflexion vise à définir la meilleure façon de mettre en adéquation la méthode d'évaluation avec les récits qu'il s'agit d'analyser.
Résumé long :
L'émergence de préoccupations environnementales durant les dernières décennies du XXe siècle est consubstantielle de l'affirmation que la terre est en danger. La popularisation du terme d'environnement dans les années 1970 est concomitante de l'idée d'une "crise" de celui-ci. Sous ce terme sont alors rangés divers phénomènes, qui touchent de près ou de loin à la nébuleuse d'objets relevant de la "nature". Les modalités de cette crise -que l'on se place dans une perspective d'écologie "profonde", ou dans l'optique plus marquée par l'économie du développement durable- sont généralement analysées selon une grille simple ; il s'agit d'une inadéquation entre la population d'un territoire donné et des ressources, d'une perte de qualité de ces ressources, voire d'une destruction de celles-ci. Cette notion de crise constitue une clé de lecture générale, mondiale, de l'état de la planète ; elle est mobilisée comme levier pour la mise en place de politiques de développement, elle sert aux ONG écologistes à mobiliser les opinions publiques et à récolter des fonds. Cette clé de lecture par la crise, précocément dénoncée dans ses excès sous le nom de "catastrophisme", constitue depuis quelques années un nouvel objet de recherche pour les sciences sociales.
On identifie les récits de crise environnementaux à trois caractéristiques. (1) Il s'agit d'un ensemble de jugements portés par un ou plusieurs acteurs sur l'état de l'environnement, analysant cet état comme le signe d'un dysfonctionnement par rapport à un ordre "normal" des choses. (2) Cet ensemble est constitué de jugements qui mobilisent des thématiques, des références et des arguments similaires et répétitifs. (3) Le dysfonctionnement postulé consiste soit en une rupture brutale d'un état antérieur, soit dans le maintien durable d'un état de fait intolérable pour le tenant du récit. Actuellement, les récits de crise posent une série de questions scientifiques importantes. Tout d'abord, élaborés par des acteurs et pris dans un jeu social, ils constituent une des façons par lesquelles la société élabore ses représentations de l'environnement, souvent dans le cadre de tensions ou d'oppositions de vues. Bien que les recherches soient aujourd'hui centrées sur des récits actuels ou qui sont développés à l'échelle du XXe siècle, il est important de connaître les racines historiques plus anciennes de ces récits. La compréhension des enjeux sociaux les entourant, ainsi que leur genèse et leur évolution constituent donc un premier questionnement. Ensuite, ces récits défendent l'idée d'un dysfonctionnement environnemental : au chercheur, ils posent donc la question de l'évaluation des liens existants entre ce qui est postulé et les processus réellement à l'oeuvre. Ils posent donc -deuxième questionnement- le problème du lien que doit faire le chercheur entre mesure du milieu et discours tenus sur celui-ci. Enfin, les récits construisent, en contrepoint de la crise qu'ils dénoncent, une "normalité" de l'environnement qui renseigne sur ce qui constitue, à un moment donné et pour un groupe donné, un état désirable. L'identification et le sens à donner à ces "normalités" constitue le troisième questionnement.
Ce travail de recherche élabore et propose une méthode géographique d'évaluation de ces récits de crise environnementaux, en prenant pour cadre de réflexion le territoire de l'Uruguay, en Amérique du Sud. L'espace couvert par ce pays constitue un laboratoire idéal pour approfondir les questions posées. En effet, on relève à son propos dans les archives, depuis le XVIe siècle, des récits postulant un recul des forêts : cet espace est donc propice à une approche longue durée de la genèse des récits de crise, ici de crise forestière. D'autre part, on peut également y observer une grande diversité d'acteurs: à la différence de la plupart des études antérieures sur la question, qui se focalisent sur le rôle des acteurs institutionnels (pouvoirs publics) dans la production des récits, on peut en Uruguay, appréhender des récits plus complexes et diversifiés. Enfin, on a choisi d'étudier des récits de crise forestière tenus dans un espace couvert par les herbages, les "campos" qui prolongent au nord du Río de la Plata la Pampa de Buenos-Aires. La forêt ne couvre pas plus de 4% du territoire actuel, mais les récits observés correspondent, par leur argumentaire, à ceux qu'on peut relever dans les régions encore dominées par la forêt, telles l'Amazonie : comment expliquer cet apparent paradoxe ?
Que cherche-t-on en fait à évaluer ? La problématique centrale consiste à comprendre le lien existant entre les énoncés identifiés comme récits de crise, et les processus biophysiques auxquels ces récits font allusion. Vu le caractère éminément relatif des données sur lesquelles on travaille, on ne pouvait aborder cette question en terme de "vérité-erreur" des récits. La notion centrale est donc celle de la congruence du récit, qui se réfère à la distance que l'on peut mesurer entre un énoncé et les processus auxquels il fait allusion. Plus cette distance sera grande, et moins un récit sera congruent (et non pas "faux"), et vice-versa. Notre hypothèse principale était celle d'une très faible congruence de l'ensemble des récits de crise forestière identifiés sur la période d'occupation européenne de la région, du XVIe au XXe siècle, l'idée que les paysages actuels sont le fruit d'une "destruction" ou d'une "dégradation" forestière paraissant fortement exagérée. Vérifier cette hypothèse supposait d'une part qu'on possède les données nécessaires à l'évaluation de la congruence des récits, mais également qu'on puisse expliquer les raisons de cette faible congruence. La démarche mise en place procède en trois temps.
Identification des récits de crise forestière et première évaluation de leur congruence (Partie I)
L'identification d'un récit suppose que l'on localise dans le temps, puis dans l'espace, une production d'énoncés correspondant à la définition donnée auparavant. Généralement, c'est un groupe d'acteurs bien défini qui est porteur d'un récit, même si dans certains cas, il est difficile de distinguer clairement ce groupe. En Uruguay, nous avons prospecté l'ensemble des documents actuellement accessibles traitant de questions forestières, depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours, mais en privilégiant la période 1700-2000 : archives historiques de Buenos-Aires et Montevideo, revues agronomiques du XIXe siècle, législation sur toute la période, production universitaire et institutionnelle (ministères) pour le XXe siècle. Nous avons de cette façon pu identifier cinq grands récits de crise, qui sont présentés de façon synthéthique dans le tableau ci-dessous. Ces récits se distinguent d'abord par leur position par rapport à la crise forestière décrite : sont dits "contemporains" les récits tenus simultanément aux faits dénoncés; sont dits "rétrospectifs" les récits tenus à un moment donné, mais qui se réfèrent à une crise forestière ayant eu lieu dans le passé. Ils se distinguent également par l'espace concerné par leur dénonciation, de lieux très précis dans le cas de litiges entre personnes, comme au XVIIIe siècle, à l'ensemble du pays, dans le cas des récits très généraux de la fin du XIXe ou du XXe siècles.
Dans cette première phase du travail, l'identification des récits est inséparable de la mise en évidence de stratégies sociales. L'analyse des sources met en évidence, pour chaque époque, que les tenants des récits ont un intérêt à formuler ces énoncés. Thèmes et stratégies sociales sous-jacentes aux récits évoluent ainsi, non pas de façon strictement chronologique, mais par glissements et recouvrements. Durant les XVIIIe et XIXe siècles, deux logiques sociales sont au fondement des récits de crise forestière. D'une part, les paysans aisés et les autorités dénoncent un excès de coupe de la part des charbonniers et des bûcherons, qui serait à l'origine d'une disparition des forêts : généralement, cette dénonciation a pour but non pas de protéger ces dernières, mais bien d'accaparer les revenus tirés de l'exploitation du bois. En effet, jusqu'aux années 1870, les forêts sont un bien du Commun, et toute personne y a accès : les propriétaires des terres acceptent mal que les petites gens puissent tirer profit des forêts situées sur leurs exploitations, sans leur verser un tribut. Ils tentent alors non pas d'interdire le bûcheronnage, mais de forcer bûcherons et charbonniers à leur louer un droit de coupe. Parallèlement à cette logique d'accaparement de la ressource, une seconde logique, foncière celle-ci, devient prépondérante à la fin du XIXe siècle. Elle consiste, dans la perspective des propriétaires terriens, à faire abolir le statut public des forêts, moins pour la ressource qu'elles représentent que pour éliminer ce symbole d'un droit ancien et désormais présenté comme archaïque par des ruraux marqués par les idées "libérales". On ne tolère plus que, dans les limites d'une propriété privée considérée comme "sacrée", subsistent encore des éléments -les forêts- auxquels tous les citoyens ont accès : le meilleur moyen d'appuyer cette logique est de démontrer que cet accès libre cause la disparition des couverts forestiers. Ces deux logiques disparaissent en 1875, avec la création du Code Rural, qui instaure la "privatisation" des forêts. A la fin XXe siècle, ce sont deux logiques nouvelles qui apparaissent. D'une part, les entreprises sylvicoles, qui étendent leurs plantations d'arbres exotiques (Eucalyptus spp.) sur les herbages, légitiment leur stratégies d'expansion en arguant qu'elles limitent la "pression" sociale sur les forêts "autochtones", censées être trop coupées. D'autre part, les associations écologistes prétendent que les forêts reculent, s'inscrivant là aussi dans une logique mondiale de dénonciation des atteintes à l'environnement.
Au terme de cette première partie, on peut mieux définir les récits de crise forestière de la région : ceux-ci sont caractérisés par leur permanence, puisqu'ils sont utilisés sur trois siècles au moins. C'est leur forme générale qui perdure (argumentaire, qualificatifs utilisés), la circulation des récits entre différents acteurs, au cours du temps, étant évidente, même si c'est pour servir des logiques sociales différentes, voir opposées. La principale conclusion, par rapport à la problématique initiale, est que la congruence de ces récits doit être fortement remise en cause : la mise en évidence des logiques sociales sous-jacentes incite à penser que la crise forestière n'est pas aussi grave que ce qu'en disent les acteurs. Reste cependant à apporter les preuves de cette mise en doute.
Tableau 1 - Les récits de crise forestière identifiés : acteurs, thème, échelle et temporalité
Evaluation de la congruence énoncés-processus pour chaque récit (Partie II)
Cette seconde partie constitue le coeur de la thèse. Pour chaque récit, on évalue sa congruence avec les processus biophysiques dénoncés, en reconstituant ces processus par diverses techniques. Mais pour que cette évaluation soit pertinente, il est nécessaire qu'elle soit adaptée au mieux à l'espace et à la période concernés par le récit, et que les thèmes du récit soient clairement définis (que veut dire "destruction" pour les acteurs du XVIIIe ?). On a appellé "congruence de second niveau" cette adaptation spatiale, temporelle et sémantique de l'évaluation du chercheur au récit qu'il analyse. La congruence de l'évaluation dépend avant tout de la richesse et de l'existence de données sur les milieux correspondant à chaque récit : en fonction de celles-ci, on a défini quatre méthodes d'évaluation, de la moins à la plus congruente. Lorsqu'on ne dispose pas, pour un récit, de données sur la forêt correspondant exactement à la période concernée par la dénonciation de crise, on peut comparer l'état de ces forêts avant et après le moment du récit (méthode de l'enjambement temporel). Lorsqu'on ne possède pas de données sur le milieu forestier extérieures au récit lui-même, on peut, par un travail de critique interne aux textes, proposer une interprétation des processus à l'oeuvre : l'analyse du sens des termes utilisés, celle de la localisation géographique des documents, permet alors une évaluation du récit (méthode de contextualisation historique). Lorsqu'on ne possède pas de données sur le milieu forestier correspondant à la période exacte du récit, mais qu'on connaît bien les processus écologiques qui y ont lieu actuellement, on peut, par la méthode de l'approche régressive, évaluer la probabilité que ces processus aient ou non eu lieu à des périodes antérieures. Enfin, et c'est la méthode la plus précise, on peut procéder par contextualisation dynamique lorsqu'on possède, pour un récit donné, des élements permettant de reconstituer la dynamique du milieu sur l'espace et la période concernés. C'est par ces méthodes que nous assumons pleinement une pratique de la biogéographie comme véritable science sociale, car la mesure des éléments du milieu est toujours appliquée à des thèmes socialement désignés par les acteurs, et non pas définie a priori par le chercheur.
Dans le cas de l'Uruguay, comme on peut le voir avec le tableau ci-dessous, la mise en place de ces méthodes n'a pas été strictement déterminée par la chronologie, certaines périodes étant parfois mieux connues grâce à une abondance de données que d'autres plus récentes. Dans tous les cas cependant, et dans la limite des méthodes mises en place, on a pu mettre en doute fortement la congruence des récits, les processus décrits par ceux-ci ne pouvant que rarement être reconstitués par le chercheur. Ces conclusions confirmeraient alors que la "crise" forestière, au long de toute la période, est plus un thème mis au service de logiques sociales et territoriales précises, qu'un fait physiquement observable.
Parmi toutes les évaluations menées dans cette seconde partie, et pour lesquelles on a combiné en permanence techniques écologiques et analyse historique, dans une perspective géographique grâce à l'usage systématique d'un Système d'Information Géographique, deux ont fait l'objet d'une attention particulière. Le récit de la fin du XXe siècle, selon lequel les pratiques pastorales, dans les exploitations, provoquent la "dégradation" des forêts, a été évalué par contextualisation dynamique. Dans un échantillon de 13 établissements agro-pastoraux, représentatifs de deux sous-régions des campos uruguayens, on a procédé à une analyse cartographique des dynamiques ligneuses sur la période 1966-2004 et à une analyse écologique des dynamiques actuelles de végétation. Globalement, on a pu constater que les dynamiques ligneuses sont progressives, les forêts se maintenant ou s'étendant, ce qui contredit l'idée d'une dégradation. Cette conclusion confirme à l'échelle des établissements ce que la statistique nationale signale, à savoir une extension des couverts forestiers du pays depuis les années 1950. La seconde grande évaluation a été celle du récit de la fin du XIXe siècle, selon lequel les forêts étaient alors en train de disparaître. Nous avons mis au point une technique de comparaison entre l'immense corpus -que nous avons découvert en archives- des cartes d'arpentage des années 1830-1860, et les images satellites actuelles. Cette méthode d'enjambement temporel permet également de formuler l'hypothèse d'une faible congruence de ce récit fin-XIXe : les paysages forestiers observables sur les cartes anciennes correspondent dans leurs grandes lignes aux paysages actuels.
Tableau 2 - Récits identifiés et évaluation mise en oeuvre
Vers une compréhension du phénomène des récits : de la conflictualité aux représentations sociales de la "normalité environnementale" (Partie III)
Cette dernière partie s'intéresse plus particulièrement à la période allant de la fin du XIXe à aujourd'hui. En effet, on ne peut comprendre la permanence des récits de crise sur cette période sans dépasser l'analyse par la seule conflictualité sociale. Une fois aboli le statut public des forêts en 1875, cette conflictualité se réduit fortement. Les récits de crise forestière sont dorénavant surtout la conséquence des représentations de l'environnement qu'élaborent des groupes qui importent, créent et diffusent des connaissances environnementales. Tout particulièrement, c'est la prégnance de références environnementales extra-territoriales, qui explique que l'on plaque en Uruguay des diagnostics élaborés pour d'autres régions, à dominante forestière : dès la fin du XIXe, les revues agronomiques transmettent l'idée, alors en plein essor en Europe, que les ruraux sont de grands destructeurs de la forêt. C'est également l'époque où apparaît ce qui a été défini comme le "complexe du pays sous-boisé", dans un contexte où les élites du pays se réfèrent en permanence à l'Europe, et vouent un culte à l'idée de "Progrès" qu'elle symbolise à leurs yeux. Nombre d'auteurs d'articles et de chercheurs estiment que le climat du pays est "anormal" du fait de sa trop maigre couverture forestière. Les sécheresses, l'irrégularité des précipitations, les épisodes de grêle, en sont la preuve, ce qui pousse certains à proposer des seuils désirables de boisement, l'Uruguay devant couvrir 20 à 30% de ses terres de forêts pour accéder au statut de pays "civilisé". A la fin du XXe siècle, on observe également cette tendance à l'importation de références environnementales extra-territoriales de la part des associations écologistes. Celles-ci assument le récit mondial de destruction forestière, dans un pays très faiblement boisé, les forêts représentant pour elles le principal élément de l'environnement à protéger, alors que les herbages dominants, bien que fortement transformés par l'homme, sont à peine évoqués dans leurs programmes avant les années 2000.
Cette troisième partie apporte à la question des récits de crise environnementale, d'abord en termes théoriques. Leur étude n'est pas complète sans l'identification des "normalités environnementales" qui servent de référence aux tenants des récits. En effet, ceux qui postulent un état anormal de l'état de l'environnement, un dysfonctionnement, le font en se référant, implicitement ou explicitement, à un état "normal", ce qui nous informe de façon très riche sur les représentations en jeu. La qualification de ces normalités est ce qui nous permet d'indentifier quelles sont les dimensions socialement valorisées de l'environnement, et qui sont au fondement des représentations. On peut tout d'abord, de cette manière, mieux cerner l'évolution historique des récits : à l'époque coloniale, la normalité de référence est celle d'une coupe soigneuse des forêts. La crise que l'on dénonce alors est une crise de "déréglement", où on ne déplore pas la coupe en soi, mais ses excès au regard des normes juridiques et de la capacité de régénération forestière. A la fin du XXe siècle, la normalité de référence est beaucoup plus floue, et correspond à un pays aux forêts plus étendues et plus diverses en terme de richesse en espèces. Cette notion permet aussi de différencier les logiques d'acteurs différents, mais qui développent en apparence le même récit de crise : ainsi, à la fin du XXe, on a pu montrer que les entreprises sylvicoles qui dénoncent une crise des forêts autochtones peuvent, en critiquant l'irrationnalité des pratiques paysannes, valoriser en retour leur gestion technique et "scientifique" des milieux. Les associations écologistes, qui tiennent un récit similaire, font elles référence à une autre normalité, celle de forêts préservées, non pas grâce à une rigueur technique accrue, mais par la mise en place d'une législation contraignant les usages.
Enfin, l'apport de cette troisième partie se lit en terme de données et de méthode. Démythifier les récits de crise forestière est un préablable incontournable à une étude plus apaisée, donc plus rigoureuse et scientifique, des paysages de la région. On a déjà vu combien la prégnance de ce récit a conduit jusqu'à une période récente les scientifiques et les écologistes uruguayens à négliger l'étude des formations végétales dominantes, les herbages. Grâce à une relecture de la littérature disponible, notamment paléoenvironnementale, à une réinterprétation des logiques territoriales de la coupe et du bûcheronnage, et une interprétation des dynamiques de végétation actuellement à l'oeuvre dans les exploitations pastorales, un nouveau modèle de la genèse des paysages de campos est proposé. Ces paysages ne seraient pas -ce que les récits de crise suggéraient- le fruit d'un long recul forestier, mais au contraire d'un long processus, enclenché depuis environ 4000 ans, d'expansion des formations arborescentes et buissonnantes dans les interstices de l'espace et des territoires. Cette progression serait aujourd'hui encore à l'oeuvre, ainsi que le montrent les relevés écologiques actuels, et serait responsable d'un phénomène de différenciation croissante des paysages de campos, certains secteurs se boisant rapidement, tandis que d'autres connaissent une progression lente des ligneux, et que certains maintiennent la domination des herbages.
[esp.] Versión castellana. Relatos de crisis ambiental en el Río de la Plata. Una evaluación geográfica de 300 años de relatos de “destrucción” de los bosques uruguayos (siglos XVIII al XX). El auge del debate ambientalista durante las últimas décadas del siglo XX está íntimamente ligado a la afirmación de que la tierra está en peligro. Paralelamente a la generalización del término de “medio ambiente” en los años 1970, nace la idea de una “crisis” de éste. Con este término de crisis se describen diversos fenómenos, siempre relativos a lo que la sociedad suele llamar “naturaleza”. Las formas adoptadas por esta crisis son generalmente analizadas con una óptica simple, independientemente de la perspectiva adoptada – ya sea la de la ecología “profunda” (“deep ecology”) o la del desarrollo sustentable: se trata de una inadecuación entre la población de un territorio dado y sus recursos, de una pérdida de estos recursos, o de una destrucción de éstos. Es con esta noción de crisis que se suele analizar de forma general el estado del planeta; es gracias a ella que las ONG’s ecologistas movilizan las opiniones públicas y juntan fondos, es movilizándola que se justifican ciertas políticas de desarrollo “sustentable”. Precozmente denunciado bajo el nombre de “catastrofismo” cuando excesivo, el uso de esta noción constituye desde hace ya algunos años un objeto de estudio para las ciencias sociales. Son tres las características que permiten identificar los relatos de crisis ambiental. (1) Se trata de un conjunto de juicios emitidos por uno o varios actores sobre el estado del ambiente, el cual analiza este estado como “anormal”. (2) Este conjunto está formado por juicios que utilizan temáticas, referencias y argumentos semejantes y repetitivos. (3) La “anormalidad” postulada consiste o en una ruptura brutal de un estado anterior, o en la perpetuación en el tiempo de una situación intolerable para el autor del relato. Actualmente, los relatos de crisis plantean una serie de preguntas científicas importantes. Primero, son elaborados por actores involucrados en el juego social, y constituyen una de las formas por las cuales la sociedad elabora sus representaciones del ambiente, muchas veces en un contexto conflictivo. Aunque la investigación reciente haya dado más importancia a relatos del siglo XX, es importante estudiar las raíces históricas más antiguas de estos relatos. Entender la génesis, la evolución y el contexto social de estos relatos constituye una primera gran pregunta. En segunda instancia, estos relatos se apoyan en la idea de un disfuncionamiento ambiental: para la investigación, plantean el problema de evaluar la relación existente entre lo dicho en el relato y los procesos ambientales que realmente ocurren. Plantean entonces en segunda instancia una cuestión metodológica: cómo, gracias a mediciones de dinámicas ambientales, evaluar relatos de crisis que refieren a estas dinámicas? Por fin, todo relato elabora, como contrapunto de la tesis que defiende, une “normalidad ambiental”, la cual corresponde a lo que constituye, para el autor del relato, un estado deseable del ambiente. Estos relatos permiten por ende analizar más profundamente las representaciones sociales del ambiente, gracias al estudio de estas “normalidades” socialmente construidas, lo cual constituye la tercer gran pregunta científica que plantean los relatos de crisis ambiental. Esta investigación elabora y propone un método geográfico de evaluación de estos relatos de crisis ambiental, tomando como espacio de referencia el Uruguay, en América del Sur. El espacio cubierto por este país constituye un laboratorio ideal para profundizar los cuestionamientos planteados. Efectivamente, desde el siglo XVI, se relevan en sus archivos relatos que postulan un retroceso forestal: este territorio es entonces propicio para enfoques históricos de larga duración sobre la génesis de los relatos de crisis ambiental, más precisamente en nuestro caso de crisis forestal. Por otra parte, se puede observar allí una gran diversidad de actores: a diferencia de la mayoría de los estudios anteriores sobre este tema, focalizados en el papel de los actores institucionales (poderes públicos) en la producción de los relatos, se puede en Uruguay abordar relatos más complejos y diversificados. Por fín, se tomo la opción de estudiar relatos de crisis forestal expresados en un espacio de pastizales, los “campos” que prolongan al norte del Río de la Plata la pampa de Buenos-Aires. El bosque no cubre más de 4% del territorio actual, pero el argumentario de los relatos observados corresponde a los que se pueden relevar en regiones dominadas por los bosques, como la Amazonia: cómo explicar esta aparente paradoja? En esta investigación se nombra “bosque” lo localmente llamado “monte nativo”, reservando el término “plantaciones silvícolas” para todo conjunto de árboles creado para producción de madera. Qué es lo que se busca evaluar precisamente? La problemática central supone entender el nexo existente entre enunciados identificados como relatos de crisis, y los procesos biofísicos a los cuales estos relatos aluden. Visto el carácter intrínsecamente relativo de los datos que se manejan (textos por un lado, reconstrucciones ambientales por el otro), fue imposible abordar el relato en términos “verdad-error”. La noción metodológica central es por ende la de “congruencia” del relato. Se refiere a la distancia que se puede medir entre un enunciado dado y los procesos a los cuales éste alude. Cuanto más grande sea esta distancia, menos congruente es el relato (y no “falso”). Nuestra hipótesis central es que el conjunto de relatos observados en la región entre el siglo XVI y XX tienen una muy baja congruencia: la idea de que los paisajes actuales son el fruto de una “destrucción” o “degradación” forestal parece singularmente exagerada. Verificar esta hipótesis supuso que obtuviéramos los datos necesarios para evaluar la congruencia de los relatos, pero también que se puedan explicar las razones de esta baja congruencia. El abordaje propuesto constó de tres partes. Parte I - Identificación de los relatos de crisis forestal y primera evaluación de su congruencia Identificar un relato supone que se identifique en el tiempo y en el espacio un producción de enunciados que correspondan a la definición dada anteriormente. Generalmente, es un grupo de actores claramente definidos que lleva este relato, aun si en ciertos casos es difícil diferenciarlo con toda precisión de otros grupos. En Uruguay, prospectamos el conjunto de documentos accesible que trataran de temas forestales, desde el siglo XVI al siglo XX, pero privilegiando el período 1700-2000. Archivos históricos de Buenos-Aires y Montevideo, revistas agronómicas del siglo XIX, legislación sobre todo el período, producción universitaria e institucional para el siglo XX. Se pudieron identificar de esta forma cinco grandes relatos de crisis (tabla 1). Estos relatos se diferencian primero por su posición temporal respecto de la crisis foresal postulada: se llaman “contemporáneos” los relatos enunciados simultáneamente a los hechos denunciados; se llaman “retrospectivos” los relatos que se refieren a una crisis que tuvo lugar anteriormente al momento de enunciación. Se diferencian también por el espacio al cual se refieren, desde lugares muy precisos en casos de pleitos interpersonales como en el siglo XVIII, hasta el conjunto del país en el caso de relatos muy generales de fines de los siglos XIX y XX. En esta primera fase del trabajo, la identificación de los relatos no se puede separar del análisis de las estrategias sociales en las que están envueltos. El análisis de fuentes pone en evidencia, para cada época, que los autores de relatos tienen intereses varios en formularlos. Los temas y las estrategias evolucionan. Durante los siglos XVIII y XIX, dos lógicas sociales fundamentan los relatos de crisis forestal. Los vecinos rurales poseedores de tierras (“labradores y hacendados”) y las autoridades denuncian una corta excesiva por parte de carboneros y leñadores (“leñateros o monteadores”), que originaría una desaparición de los bosques: generalmente, esta denuciación no tiene por cometido proteger estas últimas, pero busca acaparar las ganancias que ofrece la explotación de la madera. En efecto, hasta los años 1870, los bosques son bienes del Común, y toda persona tiene legalmente acceso a ellos: los dueños de tierras aceptan a regañadientes que otras personas puedan sacar provecho de bosques situados sobre sus propiedades, sin pagar tributo. No intentan entonces prohibir la corta de los bosques, pero sí forzar los leñadores y carboneros a abonar un derecho de corte. En paralelo a esta lógica de acaparamiento del recurso, una segunda lógica cobra progresivamente una importancia fundamental, y preponderante a fines del siglo XIX. Tiende, dentro de la lógica de los terratenientes, a la abolición del estatuto público de los bosques. No se trata tanto de “privatizar” el recurso, sino de eliminar el símbolo de un derecho antiguo y presentado como arcáico por propietarios de ideas “liberales”. Ya no se tolera que dentro de los límites de una propiedad privada considerada como “sagrada” subsistan elementos (los bosques) a los cuales todo ciudadano tenga acceso : el modo mas eficiente de defender esta lógica es afirmar que este acceso libre lleva a la “desaparición” de la cubierta forestal, acusando nuevamente a carboneros, leñadores, y paisanos pobres en general de ser causa de ésta. Estas dos lógicas desaparecen en 1875, con la promulgación del Código Rural, que instaura una privatización de los bosques. A fines del siglo XX aparecen dos nuevas lógicas. Las empresas silvícolas, que plantan sobre los pastizales cientos de miles de hectáreas de pinos y eucaliptus (especies exóticas para el país), legitiman su estrategia de expansión arguyendo que están limitando la “presión” social sobre los bosques “autóctonos” presentados como excesivamente cortados, y creando reservas en que éstos están preservados. En cuanto a las asociaciones ecologistas, ellas defienden la idea que los bosques retroceden, enmarcándose en una lógica mundial de denuncia de las presiones sobre el ambiente. Esta etapa permitió definir más precisamente los relatos de crisis forestal regionales: se caracterizan por su permanencia, ya que son utilizados durante tres siglos. Perduran en su forma general (argumentario, cualificativos utilizados), y circulan entre actores, aun cuando sea al servicio de lógicas sociales diferentes, o mismo opuestas. La principal conclusión, respecto a la problemática introductoria, es que la congruencia de estos relatos debe ser profundamente cuestionada: al evidenciar las estrategias que los motivan, se puede pensar que la crisis forestal postulada no es tan profunda como lo dicen los actores. A esta altura del trabajo, queda no obstante por demostrar este cuestionamiento con datos sobre dinámicas históricas de los bosques. Tabla 1 – Los relatos de crisis identificados : actores, temas, escalas y escalas temporales ( hacer clic para abrir) Parte II – Evaluación de la congruencia enunciados-procesos forestales para cada relato Esta segunda etapa constituye la parte central de la tesis. Para cada relato, se evalua su congruencia con los procesos biofísicos denunciados, valiéndose de varias técnicas para reconstituir estos procesos. Pero para que esta evaluación sea pertinente, tiene que adecuarse al espacio y al período a los cuales refieren los relatos (lo que se llamó “congruencia de la evaluación”). La congruencia de la evaluación por parte del investigador depende antes que nada de la riqueza y de la existencia de dados sobre el medio ambiente que correspondan a cada relato: se definieron cuatro métodos de evaluación, de la más congruente a la menos congruente. Cuando, para un relato dado, no se dispone de dados sobre el bosque que correspondan exactamente al período al cual se refiere, se puede comparar el estado de dichos bosques antes y después del momento del relato (método de puente temporal). Cuando no se poseen datos sobre el bosque que sean exteriores al relato en sí, es posible por un trabajo de crítica interna a los textos, proponer una interpretación de las dinámicas existentes el análisis de los términos utilizados, la localización geográfica de los documentos utilizados, permite una evaluación del relato (método de contextualización histórica). Cuando no se poseen datos sobre el ambiente boscoso correspondiente al período exacto del relato, pero que se conocen bien los procesos ecológicos que allí ocurren en la actualidad, se puede, gracias al método regresivo, evaluar la probabilidad que estos procesos hayan o no ocurrido en períodos anteriores. Por fín, y es éste el más preciso de los métodos, se puede realizar una contextualización dinámica cando se posee, para un relato dado, elementos que permitan reconstituir la dinámica del ambiente boscoso sobre el espacio y el período a los cuales refiere este relato. Es mediante estos abordajes que asumo una práctica de la biogegrafía como verdadera ciencia social, ya que la medición de los elementos del medio ambiente siempre está aplicada a temas socialmente definidos por los actores estudiados, y no definidos a priori por el investigador. En el caso uruguayo, tal como se puede observar en el cuadro abajo, se aplicó para cada relato identificado el método más adaptado en función de los datos disponibles. En todos estos casos, y asumiendo los límites de estos métodos de evaluación, se ha puesto en duda fuertemente la congruencia de los relatos : muy pocas veces se pueden reconstituir los procesos boscosos negativos a los cuales refieren los autores de dichos relatos. Estas conclusiones confirmarían entonces que la “crisis” forestal uruguaya es, durante todo el período de estudio, un tema puesto al servicio de lógicas sociales y territoriales precisas, antes que un hecho físico observable. Dos relatos fueron en particular evaluados. El relato de fines del siglo XX, según el cual las prácticas pastoriles, en los establecimientos agropecuarios, provocan una “degradación” de los bosques, fue evaluado mediante contextualización dinámica. En un conjunto de 13 establecimientos agropecuarios, representativos de dos subregiones de los campos uruguayos, se analizó cartográficamente las dinámicas leñosas observables entre 1966 y 2004, y mediante relevamientos ecológicos se determinaron las dinámicas actuales de la vegetación. Globalmente, se pudo constatar que estas dinámicas son progresivas, marcadas por una extensión de los bosques, lo que contradice la idea de degradación. Esta conclusión confirma a escala de los establecimientos lo que señala la estadística nacional, a saber una expansión de la cobertura forestal del país desde los años 1950. La segunda evaluación principal fue la del relato de las élites agropecuarias de los años 1860-1870, según las cuales los bosques uruguayos estaban entonces desapareciendo. Pudimos mediante el uso de un Sistema de Información Geográfica comparar el inmenso corpus de planos de agrimensura (analizado a esta escala por primera vez en la región rioplatense) realizados en Uruguay en las décadas 1830-1840 con imágenes saltelitales recientes. Este método de puente temporal permite igualemente formular la hipótesis de una baja congruencia de este relato : los paisajes forestales observables en los planos antiguos ocupan basicamente el mismo espacio que el que ocupan hoy en día. Parte III – Hacia una comprensión del fenómeno de los relatos : de la conflictividad hacia las representaciones sociales de la “normalidad ambiental” Esta última parte trata más particularmente del período comprendido entre fines del siglo XIX y la actualidad. No se puede entender la permanencia de los relatos de crisis forestal durante este siglo por el mero análisis de la conflictividad social. Una vez abolido el estatuto público de los bosques en 1875, esta conflictividad se reduce drásticamente. Los relatos de crisis forestal son desde entonces por lo general producto de las representaciones del ambiente que tienen ciertos grupos que importan, crean y difunden los que llamamos conocimientos extra-territoriales, o sea conocimientos elaborados en otros países, para ambientes diferentes al de los campos rioplatenses. Es esta fuerza de las referencias extra-territoriales la que explica que se apliquen con frecuencia para Uruguay diagnósticos elaborados para otras regiones, generalmente regiones forestales y no de pastizales : desde fines del siglo XIX, las revistas agronómicas transmiten la idea, entonces dominante en Europa, según la cual los paisanos son grandes destructores de los bosques. Es igualmente en esta época que surge lo que llamo el “complejo del país poco boscoso”, en un contexto donde las élites del país se refieren permanentemente a Europa, y rinden culto a la idea de “Progreso” que ésta simboliza para ellos. Entre 1870 y 1940, numerosos artículos y científicos estiman que el clima del país es “anormal” debido a una magra cobertura boscosa. Las sequías, la irregularidad de las precipitaciones, las caídas de granizo, son una prueba de ello… algunos incluso indican que la poca cobertura boscosa del país lo relega al estatuto de territorio no “civilizado”. A fines del siglo XX, se observa igualmente esta tendencia importar referencias ambientales extra-territoriales de parte de asociaciones ecologistas. Estas asumen el discurso mundial de denuncia de la destrucción forestal, aplicándolo a Uruguay, cuando el retroceso de los pastizales naturales –que constituye un fenómeno masivo y original, al ser de los pocos pastizales templados del mundo que permanecen- es apenas evocado por ellas. Recién al comienzo de la década del 2000 estas últimas formaciones vegetales empiezan a ser tomadas en cuenta por estas mismas asociaciones. Este tercera parte aporta a la cuestión de los relatos de crisis ambiental en términos teóricos primero. El estudio de estos relatos no está completo sin la identificación de las “normalidades ambientales” que sirven de referencia a los autores de los relatos. En efecto, los que postulan un estado anormal del estado del ambiente, un disfuncionamiento, lo hacen refiriéndose implícita o explícitamente a un estado “normal” de este ambiente, lo que aporta informaciones muy importantes sobre las representaciones sociale en juego. La cualificación de estas normalidades es lo que permite identificar cuales son las dimensiones socialmente valorizadas del ambiente, las cuales constituyen el fundamento de las representaciones. De esta manera, se puede determinar con más precisión la evolución histórica de los relatos : en la época colonial, la normalidad de referencia es una corta del bosque respetuosa de su regeneración. Los que los actores denuncian entonces es una crisis de “desarreglo” de las prácticas, no quejándose de la corta en sí, pero de sus excesos respecto de las normas jurídicas y de la capacidad del monte para producir maderas utilizables por agricultores y ganaderos. A fines del siglo XX, la normalidad de referencia es mucho menos claramente definida : para varios actores, un ambiente “normal” estaría conformado por paisajes con bosques mucho más extendidos que en a la actualidad y con mayor riqueza de especies. Esta noción permite distinguir las lógicas entre actores diferentes, pero que desarrollan un relato aparentemente similar. Se pudo mostrar, para fines del siglo XX, que las empresas silvícolas que denuncian una crisis del bosque nativo pueden, mediante la crítica de las prácticas rurales de manejo del bosque, valorizar o publicitar su gestión técnica y “científica” del medio ambiente. Las asociaciones ecologistas, que producen un relato formalmente similar al de las empresas (el bosque nativo sufrió y sufre graves deterioros), hacen referencia a otra normalidad, la de bosques mejor protegidos gracias a una legislación más adecuada en el control de los usos agropecuarios. Por fín, esta tercera parte aporta en cuestiones de datos y de método. Desmitificar los relatos de crisis forestal es una etapa previa para un estudio menos marcado ideológicamente, más riguroso y científico, de los paisajes de la región. Se pudo comprobar que la fuerza de este relato forestal hizo que hasta un período muy reciente, los científicos y ecologistas uruguayos no hicieran mucho hincapié en el estudio de las formaciones vegetales dominantes, los pastizales. Mediante una relectura de la literatura disponible, paleoambiental en particular, de una reinterpretación de lógicas territoriales de la corta y de la quema para carbón, y de un análisis de las dinámicas de vegetación que ocurren actualmente, se propone otro modelo de génesis de los campos a escala histórica. Los paisajes de campos no serían –lo que sugerían los relatos de crisis- producto de un largo retroceso forestal, pero al contrario de un largo proceso de expansión de formaciones boscosas y arbustivas en los intersticios del espacio y de los territorios. Esta progresión estaría aun activa, como lo demuestran relevamientos ecológicos actuales, y sería responsable de un fenómeno de diferenciación creciente de los paisajes de campos. Algunos sectores conocen una expansión forestal rápida, mientras que otros sólo experimentan una progresión lenta de las especies leñosas, mientras otros sectores mantienen la dominación de los pastizales.
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